PRÉFACE DE SILVIA RIETZ, journaliste au "Solothurner Zeitung"


Pater Antony Kolencherry, cliché privé
Il y a de nombreuses années, un membre de ma paroisse avait organisé un weekend de méditation au cloître de Rickenbach. C’est là que je fis la connaissance dans trois différentes fonctions de Pater Antony Kolencherry, originaire de Bangalore et mélomane: en tant que maître de méditation, maître de conférences et prêtre.
Que ce soit dans la position du lotus, en conférence ou à la messe – il savait communiquer de coeur à coeur avec les gens. Par de petites anecdotes il allégeait ses exposés et ses homélies et incitait à la réflexion et au sourire. L’histoire du paysan et de sa maxime: „Qui sait ce que ça vaut!“ se répandit comme un adage. Des années plus tard, je me souviens encore de certaines anecdotes par lesquelles Pater Antony illustrait son point de vue.
En bref, il ouvrit une nouvelle fenêtre, tout une façade de fenêtres, dans ma demeure spirituelle.
C’est par un heureux concours de circonstances que Pater Antony fut envoyé d’Inde en Suisse, à Soleure, à la paroisse Sainte-Marie. L’idée de réunir musique et textes sous la forme d’une méditation musicale se fit jour, se réalisa et s’institua rapidement.
Depuis lors les histoires, réflexions et prières uniques en leur genre issues de la plume de Pater Antony nous accompagnent dans notre quotidien. Précisément en ces temps de bouleversement, l’appel de Pater Antony à respecter les autres croyances, sans abandonner pour autant ses propres convictions, lance une discussion inconfortable mais nécessaire dans notre société multiculturelle.

L’exégète mystique, maître de vie spirituelle, professeur apprécié en sciences religieuses, maître de méditation, administrateur de paroisse éclairé et auteur des „Dialogues mystiques„ sont une seule et même personne – Pater Antony.

Avec ma profonde reconnaissance pour cette enrichissante collaboration spirituelle et humaine.

Silvia Rietz

AVANT-PROPOS


Y a-t-il du nouveau en ce monde? Peut-être la découverte que la terre est ronde? Est-ce nouveau? Non. La terre a toujours été ronde. Newton découvrit la théorie de la pesanteur. Etait-ce nouveau? Non, car la pesanteur était là depuis toujours. Quand l’homme prend conscience de quelque chose qu’il ignorait jusque là, cela ne signifie pas que cette chose n’existait pas auparavant.
Notre monde est plein de mystères. Dieu merci! Ainsi nous pouvons chercher à les résoudre. Il n’est pas étonnant que l’homme soit un „animal en recherche“. Ceci n’est pas une invitation expresse à se mettre en recherche à tout prix. Mais une invitation à s’arrêter de temps en temps pour regarder et s‘étonner.

Moi aussi je suis un animal en recherche. Et vous aussi! Il n’y a rien de nouveau dans ce livre. Certaines choses vous paraîtront peut-être logiques, d’autres vous inspireront, d’autres encore vous feront prendre conscience. En tout cas j’aimerais vous inviter à entreprendre un pèlerinage intérieur vers les profondeurs de l’existence et à y découvrir des chemins et des moyens pour donner plus de sens à votre vie . La vie est comparable à un orchestre philarmonique. Des instruments nombreux et variés, aussi différents soient-ils dans leurs résonances, forment une unité harmonieuse lorsqu’ils sont accordés. On peut construire sa vie de façon harmonieuse et sensée, mais on peut aussi la détruire. L’harmonie se crée dans la cohésion. Ce sentiment d’unité naît d’abord dans la pensée, puis dans le coeur.

Il y a des choses que nous devons faire, que cela nous plaise ou non, de même que nous nous occupons bien évidemment de nos enfants. Chacun y apprend, le maître comme l’élève. La vie est un apprentissage qui peut être douloureux mais qui vaut toujours la peine... puisqu’il s’agit de l’entretien de la vie. Si nous faisons le nécessaire, nous faisons du même coup le possible. Dès lors, ce qui semble impossible deviendra possible! Il serait plus simple et plus sensé de dire „Je“ dois le faire plutôt qu‘“on“ doit le faire. Il est facile de se perdre dans des rêves fantaisistes. Il est plus raisonnable de rendre ses rêves réalistes et de les intégrer dans le quotidien. Pris dans ce sens, cela signifie voir les problèmes comme des défis et y découvrir un sens plus profond. On découvre alors que la vie vaut la peine d’être vécue.

Penser, croire et comprendre vont de pair. La Vérité ne peut être comprise que par la raison et le coeur. L’intelligence n’est pas forcément synonyme de sagesse. La sagesse découle de l’harmonie de la raison et du coeur. Voilà exactement ce qu’est la religion: une affaire de raison et de coeur. L’esprit pense et le coeur éprouve. Quand raison et sentiment sont bien proportionnés, il en découle la sagesse. Dieu et la foi sont des questions humaines. Ce sont aussi des questions transcendentales. Les expériences transcendentales permettent à l’individu de tenir debout et de chercher des réponses aux questions existentielles. De rechercher l’éternité dans la finitude de ce monde, c’est l’art de vivre.

La vie ne vaut la peine d’être vécue que si elle est vraiment vécue. Ici et maintenant. Puissent les réflexions de „De Coeur à Coeur“ accompagner les lectrices et lecteurs sur la voie d’une vie riche de sens. Laissons parler notre coeur!
La plupart des réflexions de ce livre proviennent des introductions aux méditations musicales. Quelques anecdotes proviennent de mes directeurs de retraite et des conférences d’Anthony de Mello.

C’est avec joie et reconnaissance que je dédie ce petit livre aux amis des „Méditations musicales“ de la paroisse Sainte-Marie à Soleure, à fin de les inspirer et de les encourager.

Pater Antony

1 - LE COMMENCEMENT


Au commencement était le coeur
Et le coeur était en Dieu
Et le coeur était Dieu
Coeur en Dieu, Dieu au coeur


Au commencement était le Verbe
Et le Verbe était la lumière
Et le Verbe était Dieu
Dieu de lumière, Dieu du coeur


Au commencement était la vie
Et la vie était en Dieu
Et la vie était Dieu
Dieu de vie, Dieu du coeur

Au commencement était la paix
Et la paix était en Dieu
Et la paix était Dieu
Dieu de paix, Dieu du coeur

Qu’est-ce qui se cache derrière la phrase: „Je t’offre mon coeur“. En effet personne ne peut voir son propre coeur. Comment pouvons-nous offrir ce que nous-mêmes ne voyons pas – notre coeur?. Lorsque le coeur parle, toute la personne parle. Le coeur est bien plus que le simple organe humain. La théologie spirituelle comprend le coeur comme étant toute la personne, la personnalité entière. Les capacités et les dons physiques, psychiques et spirituels déterminent l'ensemble de ce qu’est la personne. La personne en tant que telle forme une unité harmonieuse. L’être humain ne peut se comprendre que pris dans sa totalité. Par l’incarnation de Dieu en Jésus-Christ il n’y a plus de séparation entre Dieu et l’homme. Dieu et l’homme forment une entité indissociable. Car „le Verbe s’est fait chair et a vécu parmi nous“ (Jean 1,14).

Tout par amour,
rien sous la contrainte
                                               François de Sales



Pense comme Dieu, ainsi tu seras divin

Vis comme un homme, ainsi tu seras humain

Sème des étincelles de divin parmi les hommes

Ainsi tu récolteras l’humain

Et tu vivras comme Dieu parmi les hommes

2 - LE COEUR PARLE



Le coeur parle au coeur
Par-delà le temps et l’espace.
Lève-toi, sorti de ton sommeil, parle:
Là où est ton trésor, là sera ton coeur.

N’abandonne pas, ne désespère pas,
Oublie rancoeur et amertume,
Accueille de bonne grâce courage et ténacité,
Ne te détourne jamais du Seigneur.

Cherche résolument, noble coeur,
Parle, chante et danse d’un coeur joyeux.
Puisse la lueur divine dans ton coeur
Briller pour l’éternité.

Je dis un jour à mon ami: „ Je suis très occupé en ce moment. Je dois m’acquitter de certaines choses et poser des priorités. Tu sais que c’est pour toi que je le fais et que donc je n’ai pas le temps“. Des jours, des mois, des années se sont écoulés. Je n’avais pas le temps, ni lui non plus. Et lorsqu’enfin nous nous sommes rencontrés, nous n’avions plus rien à nous dire. Nous nous sommes alors demandé si nous étions encore amis...
Je me suis aussi  souvenu d’un jeune homme qui avait pris la résolution de servir l’humanité. Il disait: quand je serai grand, je ferai ceci et cela, alors je serai heureux. Une fois devenu grand, il disait: quand j’aurai achevé mes études universitaires, alors je ferai ceci et cela et je serai heureux. Une fois finies ses études, il disait: quand j’aurai un bon emploi je ferai ceci et cela et je serai heureux. Et ainsi de suite. Une fois trouvé le bon emploi, il disait qu’une fois marié, il serait heureux. Quand il aurait des enfants, il ferait ceci et cela et serait heureux. Devenu vieux et retraité il prit conscience du vide de sa vie.
Beaucoup de gens agissent de même, perdant leur temps à rêver de l’avenir sans rien faire. Trop souvent nous disons: „j’aurais, je ferais, je voudrais etc.“
D’où mon conseil: ne quittez jamais le présent et ne ratez jamais une occasion de faire le bien.
Fais aujourd’hui ce que tu peux faire et fais-le de tout ton coeur. Comme le formulait saint François de Sales: „ Fleuris là où tu as été planté“!

Offrir son temps signifie aussi offrir son coeur,
C’est-à-dire offrir la vie.

Ai-je le temps de m’arrêter?
Ai-je la patience d’attendre?
Ai-je l’oeil pour reconnaître?
Ai-je l'oreille pour écouter?
Suis-je disposé à m’arrêter?
Ai-je la profondeur de supporter le silence?
Dieu dans mon regard, dans mon écoute,
Dieu dans ma sensibilité – ai-je le temps de cela?

Fleuris, là où tu as été planté
                                                          François de Sales



Prends-toi le temps

et tu sentiras l’éternité

3 - TOUT DÉPEND DU COEUR



Nous pouvons tenir de magnifiques discours, lire des livres inspirés, écouter des histoires fascinantes – pourtant ce qui compte vraiment , c’est le coeur.
Une souris souffrait de dépression et priait: „Mon Dieu, s’il-te-plaît, viens à mon secours, j’ai si peur du chat“. Dieu lui apparut. „Bien, sois toi-même un chat“. Après un moment, le chat recommença à souffrir et dit: „Seigneur, viens à mon secours, j’ai grand‘ peur du chien“. Dieu lui apparut à nouveau et dit: „Je comprends, sois un chien“. Peu après le chien se mit à crier: „Mon Dieu, j’ai peur de la panthère“. Dieu répondit: „D’accord, sois une panthère“. Et ensuite la panthère se mit à supplier: „Mon Dieu, viens à mon secours, j’ai peur du chasseur.“ Dieu se montra encore une fois et la gronda: „ Ecoute, je suis toujours prêt à t’aider. Mais en fait le problème – cause de toutes les peurs – ne tient pas aux dangers mais à toi-même: tu as un coeur de souris!“
Quelle sorte de coeur possédons-nous?

En toi, en moi, en chacun de nous bat un coeur. Mais qui a jamais vu son propre coeur? Le coeur n’est pas simplement un organe de notre corps, mais il englobe toute la personne. La personne entière pense, ressent, décide, aime. Le coeur implique la totalité de l’individu. Tu es ce que tu penses. Tu reçois en retour ce que tu donnes. Si tu offres ton coeur, tu recevras le coeur. Plus tu donneras, plus tu recevras. Plus tu aimeras, plus tu vivras, car vivre c’est donner. Donner c’est vivre. Vivre et donner, voilà ton cadeau à l’humanité!
Une fois que tu auras donné ton coeur, ta perspective entière changera. A Calcutta agonisait un vieillard ramassé dans la rue et transporté à la Maison de Mère Teresa. Après avoir été soigné et alimenté, il s’écria: „J’ai vécu comme une bête dans la rue, mais maintenant je peux mourir comme un ange dans cette maison.“ Conclusion: Si nous changeons notre coeur, nous parviendrons aussi à changer le coeur des autres. Le meilleur chemin conduisant à ce but, c’est d’habiter dans le coeur du Christ!. Jésus a dit: „Je suis doux et humble de coeur“. N’est-ce pas un art de vivre que d’être doux et humble?

Il vaut mieux se tourner vers ce qui est bon et beau, que de se laisser toucher par toutes sortes de problèmes et de pensées négatives. Connaissez-vous l’adage: "je me plaignais de ne pas avoir de chaussures, jusqu’au jour où j’ai rencontré quelqu’un qui n’avait pas de pieds"? Au plus profond de nous se cache une grande bénédiction que souvent nous ne réalisons pas. Prenons-en conscience et soyons-en reconnaissants. La reconnaissance nous aide à voir toutes choses sous un nouvel angle. Nous développerons des perspectives positives, constructives, gratifiantes et généreuses.
Il nous est contre nature de donner, de pardonner et d’aimer. Où trouver le courage de croire à fond? Attention: la foi est un acte de la volonté et non de la raison.

Il existe des moments de joie, d’émerveillements inexplicables mais merveilleux. C’est alors que je sens que je ne suis pas seul, que je n’ai pas à avoir peur, que je ne suis pas en perdition. Quelqu’un me connaît et me soutient. Je n’ai pas à désespérer, car je vois avec les yeux du coeur. Je vois en moi et partout la marque de Dieu. Là se trouve la vraie révélation. Là l’homme s’oriente côté coeur et devient homme de coeur. Notre théologie devrait harmoniser les deux, la raison et le coeur. Une théologie du coeur fait urgence aujourd’hui. L’homme forme un tout à considérer globalement. Il est indispensable d’y développer l’harmonie de la raison et du coeur! Qu’est-ce que l’harmonie? Observons par exemple l’harmonie d’une construction. Regardons-en les murs: chaque pierre est supportée par une autre, chaque pierre à sa place en supporte une autre – voilà un beau symbole de la communauté humaine. Si nous sommes prêts à porter chacun et à être porté par chacun, alors nous pourrons parler de communautés vivantes.

Seigneur, fais de mon coeur
le temple de ton Esprit,
Que de t’aimer, Toi et mon prochain,
Soit toujours le sens de ma vie.
Donne-moi un coeur brûlant d’amour,
Rempli de joie et de dévouement
Pour toute la création,
Hommes et bêtes.
Eloigne la haine et la peur,
comble-moi de tes dons.
Seigneur, fais de mon coeur
le temple de ton Esprit.


„On peut chercher Dieu par la raison, 
mais on ne le trouve qu’avec le coeur“
                                                                                      (François de Sales)

4 - LE FOND DU COEUR – LE JUSTE MILIEU



Je lisais dans un journal: „Je suis si libre…avec Nescafé!“ et je me suis demandé si Nescafé me rendait vraiment libre. Bien sûr que non. Mais la pub nous manipule. Pas la liberté. La vraie liberté nous libère. En quoi consiste cette vraie liberté?
Nous expérimentons encore et toujours le manque de liberté, en politique, en société, dans la rue, et même à la maison. Beaucoup aimeraient se lier d’amitié à la maison. Si cela ne marche pas, ils se sentent entravés, mis à l’étroit dans leur vie conjugale ou familiale. Un disciple enthousiaste de Bouddha lui demanda un jour comment atteindre au mieux le Nirwana, la Révélation . Bouddha lui répondit qu’il devait s’entraîner à l’ascèse et à la méditation. Dans son enthousiasme le disciple s’entraînait jour et nuit. Après quelque temps il alla trouver Bouddha pour lui dire qu’il ne recevait aucune révélation. Celui-ci lui répondit: „Je sais que tu joues du violon. Dis-moi, quand le violon est trop tendu, rend-il une mélodie juste?“ „Non“, répondit le disciple. „Et s’il est trop relâché, la mélodie sera-t-elle juste?“ „Non plus“ , répondit le disciple. „Et s’il est correctement tendu?“ „Alors oui“, sourit le disciple. Il en est ainsi de la révélation. Une pratique trop relâchée ou trop sévère ne mènent pas au but. Le meilleur chemin est le juste milieu.
On peut être libre en toute situation. En famille, dans les liens du mariage et de l’amitié, car la vraie liberté est intérieure. La vraie liberté vient du coeur. Un jour un moine bouddhiste était assis avec ses élèves au bord d’un lac. Il leur demanda s’ils voulaient savoir ce qu’était la révélation. „Regardez ces oiseaux qui volent au-dessus de l’eau.“ Tandis qu’ils regardaient tous, le moine leur dit: „Ils projettent sur le lac un reflet qu'ils ne peuvent soupçonner et qui ne touche pas l’eau.“ Nous voyons là un reflet de la liberté.

Il y a de nombreuses chaînes qui nous volent notre liberté. Ces chaînes ne sont pas extérieures mais intérieures. Prenons nos expériences, les bonnes comme les mauvaises. Combien de gens sont aigris, malheureux, parce qu’ils ne peuvent plus se détacher de leurs mauvaises expériences. Ils souffrent, craignent et sont anxieux. La même chose se passe avec les expériences positives. Nous nous fixons sur les belles et bonnes choses, nous ne voulons pas perdre une relation, défaire une amitié, mais au contraire forcer le bonheur. Mais le bonheur est comme un papillon. Plus nous nous efforçons de vouloir l’attraper, plutôt il nous échappera. Alors que c’est en restant calme qu’on aura même une chance de le retenir sur la main ou l’épaule. Mais nous avons toujours peur du lendemain. Qu’arrivera-t-il? Vais-je perdre mon emploi? Vais-je tomber malade ou même mourir? Nous sommes tourmentés par la peur et les soucis qui nous volent notre liberté et nous emprisonnent. Tout cela parce que nous vivons dans un monde imaginaire. C’est à ce point que l’affirmation de Jésus nous console:“ Regardez les oiseaux du ciel; ils ne sèment pas, ne récoltent pas et n’emmagasinent pas dans des granges, et votre Père céleste les nourrit. N’avez-vous pas plus de valeur qu’eux?“ (Mat.6,26)
Bouddha disait qu’à l’origine de toutes les servitudes il y avait la convoitise. En effet trop souvent nous posons des conditions au bonheur. Je t’aime, mais tu dois aussi m’aimer. J’ai besoin de toi, toi aussi tu as besoin de moi. Les conditions, la convoitise et la peur sont les ennemis de la liberté! Nous nourrissons des souhaits et des représentations que nous multiplions indéfiniment. Les medias et l’industrie publicitaire y sont pour beaucoup dans l’esclavage et la main-mise sur la société. Un regard sur la pub le révèle: les peines et les soucis n’apparaissent pas dans ce monde irréaliste et factice. Au contraire, tout le monde y est gai et heureux! On y croit et on se fie au produit ou à la firme. Mais y trouve-t-on le bonheur? Comme nous l’avons entendu, le bonheur est comparable à un papillon! Un jour un collègue l'a ainsi formulé: beaucoup de gens sont très gentils de loin. Mais en réalité ils sont très loin de l’être.

Jésus n’a pas seulement prêché l’amour, mais il l’a aussi vécu. Seul l’amour l’a libéré. Sur la croix il priait pour ses ennemis. Ce fut là son dernier acte de libération – le pardon. N’a-t-il pas dit: „Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis?“ Notre amour est ainsi conditionné qu’il se manifeste plutôt comme exigence que comme don. Savons-nous aimer inconditionnellement? Savons-nous pardonner sans condition? Le pardon devrait commencer par nous-mêmes, nous pardonner à nous-mêmes! C’est le premier pas vers la vraie liberté.

Un jeune homme voulait entrer au couvent. Il était le plus aimé de tout le village. Il fit ses adieux à tous, on lui fit une grande fête d’adieu avec repas et musique. On l’accompagna jusqu’à la rive du fleuve en face du monastère. Ensuite le jeune homme entra seul dans le monastère et attendit l’abbé. Celui-ci lui dit qu’il regrettait mais qu’il ne pouvait accueillir qu’une seule personne, or lui n’était pas seul. Le jeune homme regarda autour de lui et dit: „Je ne vois personne“. L’abbé lui rétorqua alors: „Si, j’entends en toi la musique, je vois des gens. Ta tête est pleine de monde, de bruit et de pensées. Tu n’es pas libre.“ Le jeune homme comprit et resta quelques mois à l’extérieur du couvent, nettoyant les chaussures et faisant le jardinage. Alors l’abbé vint à lui et dit: „Maintenant tu peux venir car tu es seul.“

Etre seul signifie aussi trouver le juste milieu. On ne peut aimer Dieu que de tout son coeur. On ne possède qu’un seul coeur. Avec ce coeur il faut aimer Dieu et son prochain. Je ne peux pas aimer Dieu avec la moitié de mon coeur et mes semblables avec l’autre moitié. Une entité harmonieuse caractérise le juste et sain milieu.

Un saint triste est un triste saint
                                                                                              François de Sales


Si tu ne trouves pas de sens à ta vie,
donne-lui-en un toi-même,
Allume une bougie
Et l’obscurité disparaîtra

5 - COEURS SANS FRONTIÈRES



Frontières et barrières sont posées par l’homme. Ce qui me différencie d’un autre c’est le corps, mais ce qui me relie à lui c’est l’esprit. Cet esprit est à l’oeuvre en chaque homme. En avoir conscience aide à dépasser le corps et les limites posées par l’homme pour fonder une famille humaine. Si j’arrive à passer du moi au toi, cela enrichit ma vie et me rend heureux. La méditation est la porte qui y mène. La méditation, la prière et les rencontres sont des procédés qui favorisent en nous une conscience plus approfondie de notre relation à Dieu. Un mystique voit tout empli de la force et de la présence de Dieu. Dans la mer de l’amour divin il n’y a ni moi ni toi – Dieu est en nous et nous sommes en Dieu!

Le bien-être d’un individu, d’une organisation ou d’un pays dépend de la qualité des personnes. Si les personnes ont une  mentalité saine, elles seront plus aptes au travail en équipe, plus dignes de confiance, plus qualifiées. Je me souviens d’un journaliste qui, observant trois ouvriers à la construction d’une maison, les avait interviewés. A l’un il avait demandé ce qu’il était en train de faire. Celui-ci lui avait répondu: „Quelle question! Je travaille pour gagner ma vie. J’ai besoin d’argent.“ Le deuxième ouvrier à qui il demandait ce qu’il faisait avait répondu: „Ne vois-tu pas? Je fabrique du béton“. Le journaliste avait posé la même question au troisième ouvrier. Ce dernier avait répondu: „Oh, je construis un beau monument!“ Nous voyons trois hommes travailler au même endroit, à la même construction, cependant avec trois mentalités et motivations différentes. Le premier ne voit dans son travail qu’un gagne-pain, le deuxième le travail en lui-même, le troisième voit la construction à laquelle il participe.
Le professeur William James, auteur bien connu, affirmait que la plus grande découverte qu’il eût jamais faite était que l’homme peut changer son style de vie et ce faisant aussi sa mentalité. La mentalité est un facteur essentiel de la qualité de vie.
Beaucoup de gens vivant sur les bords du Danube, de la Forêt Noire jusqu’à la Mer Noire, viennent s’y baigner. Le fleuve les accueille tous sans exception. Il ne dit jamais: „Tu n’as pas le droit de descendre dans mes eaux parce que tu es hongrois ou allemand, ou bien roumain.“ Il ne refuse personne; voilà la magnanimité du fleuve. Le soleil aussi brille pour tout le monde, sur les bons comme sur les mauvais, indépendamment de leur nationalité, couleur de peau, race ou religion. C’est ainsi que la qualité des relations humaines devrait aussi être.
Pourquoi suis-je malheureux? Pourquoi suis-je méchant? Déprimé? Réfléchis et trouves-en les raisons pour te débarrasser de cet état d’esprit. Nous pensons souvent que le bonheur dépend de choses matérielles. La joie tient à l’être et non à l’avoir. On peut tout avoir et pourtant être malheureux. La joie provient de l’intérieur. La joie ressemble aussi au papillon: lorsque l’on cherche à l’attraper, il s’envole! Mais si l’on reste immobile, il s’approche. Le mystique conserve au quotidien son équilibre. Il n’a ni bons ni mauvais jours et transcende le temps et l’espace.

On attrape plus de mouches avec une cuillerée de miel
qu’avec un tonneau plein de vinaigre
                                                                                        François de Sales

6 - MUSIQUE DU COEUR



Il y eut un jour important dans la vie de Mère Teresa, le 10 septembre 1946. Elle l’a nommé le jour de la décision, le jour de l’inspiration. Alors qu’elle se rendait pour une retraite au nord de l’Inde, elle entendit une voix intérieure qui lui disait de suivre Jésus au service des plus pauvres d’entre les pauvres.
Elle a suivi cet „ordre“ et y a trouvé la joie, l’accomplissement et une réponse aux questions existentielles – pourquoi vivons-nous, pourquoi souffrons-nous, pourquoi mourons-nous. La joie lui est venue de l’intérieur, elle a jailli comme une musique du coeur. Tout comme la musique le coeur non plus ne veut rien garder pour lui-même, mais donner le meilleur de lui-même et agir de son mieux. En langage salésien cela se formule: „Sois ce que tu es, sois-le de ton mieux“.

La vie est une musique dont le Dieu-créateur est le Maître. La nature entière fait de la musique, chante et danse, mais on n’entend cette musique qu’avec le coeur. Oui, on ne voit bien qu’avec le coeur, on n’entend juste qu‘avec le coeur!
L’homme d’aujourd’hui se trouve pris dans une tension extrême. Pour relâcher cette tension il n’existe qu’un seul moyen efficace: l’amour. Une société sans coeur, un peuple sans bonté, une époque sans valeurs morales ne peuvent engendrer l’amour, elles s’appauvrissent et meurent.
Tout homme veut aimer et être aimé. L’amour est une aspiration fondamentale de l’humanité. Mais se trouve-t-il quelqu’un qui nous aime vraiment? Est-ce qu’un amour vrai jaillit de notre coeur pour quelqu’un? Que voulons-nous dire lorsque nous disons: je t’aime? Je t’aime, donc tu dois aussi m’aimer? Si nous réclamons l’amour, nous sommes plutôt des mendiants. Comment peut-on donner de l’amour et en même temps le mendier? Finalement les amoureux mendient un amour réciproque. Nous recherchons intérieurement l’amour. La femme réclame l’amour de son mari, la mère celui de son enfant, l’enfant celui de sa mère, les amis demandent à être aimés de leurs amis. Finalement c’est ce que tout le monde réclame. Notre façon d’aimer est souvent une demande plutôt qu’une offre. Nous demandons encore et toujours à être aimés.
Mais du moment que nous quêtons de l’amour, nous ne pouvons guère en donner, car il semble que nous n’en ayons pas assez. L’amour vient du coeur; c’est la musique du coeur. Il est toujours présent, se répand sans discrimination, qu’il s’agisse d’un homme, d’une femme, de la nationalité ou de la race. Aimer, c’est donner, partager, faire cadeau. Qui en est capable?
L’amour vrai ne rend personne dépendant. Il n’attend ni remerciement ni reconnaissance. Il ne se voit pas lui-même et libère celui qui aime comme celui qui est aimé.
Nous nous efforçons souvent de sortir de notre propre solitude, en devenant dépendants d’autrui, ou en recherchant le bruit et la distraction. Mais cela ne nous apporte aucun réconfort. Mais qu’arrivera-t-il si nous laissons notre coeur s’abandonner pour un temps à la solitude du désert? Ce sera peut-être presque insupportable car nous ne sommes pas habitués à la solitude. Mais si nous y arrivons, le désert deviendra soudain floraison d’amour. Le coeur chantera, comblé de joie. Nous nous sentirons heureux et libres, sans être dépendants. Nous nous comprendrons nous-mêmes et nous comprendrons Dieu.

Il y a 2000 ans Dieu s’est fait homme. Il s’est identifié à l’humanité. Il est devenu homme pour que nous autres humains ayons part au divin et puissions goûter la vie de tout notre coeur. Il vit en nous et nous vivons en Lui. Il nous est donc impossible d’être seuls, de nous sentir solitaires. Car Dieu est là, toujours et partout, pour toi, pour moi, pour nous. Dieu est présent dans notre coeur. Là où règnent la bonté et l’amour, il y a Dieu. La musique du coeur nous permet de reconnaître en toute chose la bonté de Dieu et la beauté de la création. Ainsi nous pouvons nous sentir calmes, paisibles et reconnaissants.


L’aujourd’hui te comble de bénédictions;
si tu le vis consciemment,
c’est déjà l‘éternité

7 - LA MUSIQUE – PASSERELLE VERS L’HOMME

"Le beau Danube bleu"
Un jeune homme qui avait gaspillé sa vie, alla trouver un sage et lui demanda désespéré: „Maître, croyez-vous que j’arriverai jamais à trouver Dieu?“ „Tu ne trouveras vraisemblablement jamais Dieu, mais c’est Lui qui te trouvera“ fut la réponse. L’optimisme de ce sage est éclairant. Bien des gens se plaignent et gémissent: Où donc est votre Dieu? Pourquoi n’intervient-il pas, quand des hommes sont exploités? Pourquoi n’y a-t-il pas de passerelle entre la gauche et la droite, entre communistes et capitalistes, entre Est et Ouest, Nord et Sud?

La musique ne connaît pas de barrières ni de frontières faites de main d’homme. La musique est universelle. Je pense à ce grand fleuve européen, le Danube. De nombreuses personnes sont heureux devant ce beau fleuve. Il existe même une valse „Le beau Danube bleu“. Il traverse l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie et la Roumanie. Le Danube leur donne à tous de son eau, il les rafraîchit tous, tous peuvent s’y baigner ou bien se servir de son eau. Jamais le fleuve ne demande si le nageur est allemand, hongrois, roumain. Il est de la nature du fleuve d’accueillir tout le monde sans condition. Mais les hommes dressent toujours des frontières: une partie allemande, une partie roumaine etc. Je crois que l’on peut beaucoup apprendre de la musique et de la nature. L’homme d’aujourd’hui a toujours tendance à perdre le sens existentiel de la nature. C’est pourquoi il cherche à recréer artificiellement le contact avec la nature, une nature évidemment tout sauf naturelle.

C’est en premier lieu dans la pensée que se développent les relations, dans l’homme intérieur. Le processus est le même, que nous soyons juifs ou arabes, chrétiens ou bouddhistes, hindous ou musulmans. La différence se manifeste dans notre tête, dans notre intériorité. Nous sommes tous des enfants de Dieu. Devant Dieu, devant la nature, devant la musique nous sommes tous semblables. La musique nous donne un sentiment d’unité et de bien-être. Elle ne divise pas, elle rassemble les hommes de toutes races, religions, et confessions. Car qui regarde loin voit loin aussi!

Je me rappelle une conversation entre un père et son fils. Le fils demande à son père: „Papa, jusqu’où peux-tu voir? - Je vois sur quelques kilomètres. Par temps clair je vois un peu plus loin“ „Et toi, jusqu’où vois-tu?, demande le père. - Oh, je ne vois pas seulement sur quelques kilomètres, mais sur des millions de kilomètres. Je vois le ciel, les étoiles, la lune, une infinité de choses“. De cet enfant l’homme put apprendre ce que signifie „voir loin“.

Socrate procédait de même. Chacun de ceux qui voulaient devenir son élève subissait un examen. Socrate menait les postulants à un étang aux eaux claires et leur demandait ce qu’ils y voyaient. Ceux qui y voyaient leur image reflétée échouaient. Ceux qui répondaient y voir nager des poissons réussissaient à l’examen. Car ceux qui voient leur image n’ont d’yeux que pour eux-mêmes. Beaucoup aimeraient sauter par-dessus leur ombre; cependant s’ils se tournent vers le soleil, leur ombre tombera derrière eux.

Un jour un automobiliste devait traverser un pont étroit. Or une autre voiture venait en sens inverse. Au milieu du pont ils durent tous deux s’arrêter. „Laisse-moi passer“ cria l’un, „j‘étais là avant toi!“. L’autre répondit la même chose et une sérieuse dispute s’ensuivit. Finalement l’un dit: „Si tu ne me laisses pas passer, je ferai exactement comme la semaine dernière“. Alors l’autre, effrayé, recula et lui demanda ensuite ce qu’il avait fait la semaine précédente. „ „J’ai tout simplement laissé la priorité à l’adversaire, J’aurais fait de même avec toi“ répondit le malin avec un sourire.

Qui est le plus fort, celui qui cède ou celui qui résiste? Nous pensons parfois que pardonner, renoncer ou céder sont des signes de lâcheté. Mais en fait c’est l’inverse. Jésus n’a-t-il pas dit et montré clairement: "Vous m’appelez Maître et Seigneur, mais je suis parmi vous comme serviteur! A cela on reconnaîtra que vous êtes mes disciples si vous vous aimez les uns les autres". Il est difficile de se supporter, d’être patient et aimable les uns avec les autres. Laisser la place aux autres, céder, édifier, espérer, louer et aimer. La plus grande intelligence se montre dans le pardon inconditionnel, dans la patience, et non pas dans la vengeance ni les représailles. La musique de l’amour s’exprime dans le pardon sans condition, l’abandon et la joie de vivre. Tout chrétien est appelé à aimer de tout son coeur, à pardonner et à s’engager de tout son coeur. A être là pour chacun courageusement et efficacement. Là où il y a de l’amour, la haine disparaît. De même que l’obscurité est chassée par la lumière. Un coeur gai est semblable à une forte lumière qui brille dans l’obscurité.

Levons les yeux vers le ciel pour nous ouvrir aux ondes de lumière venant d’En-haut. Rencontrons autrui avec la lumière de la joie et de l’espérance. En effet l’homme est la couronne de la création de Dieu. Tenons notre vie ouverte comme un livre, jour après jour remplissons-la de notes de musique pour qu’elle devienne source de bénédictions.



De prier ne change pas la situation

mais le regard de ton coeur

8 - MUSIQUE SANS FRONTIÈRES


Lorsque Dieu créa le monde, il ne posa pas de frontières ni de contrôles douaniers. En avion nous entendons parfois l’information: „nous passons la frontière, nous voilà en Allemagne ou en France“. Nous pouvons regarder. Voyons-nous une frontière? Aucune. Qu’entendons-nous par frontière ou limitations? Ce sont toutes des inventions humaines qui limitent la liberté. Les frontières naissent dans la pensée d’abord, ensuite dans le coeur.
La disposition intérieure est une langue en elle-même.
Dans un pays corrompu une personne honnête aura la vie dure.
Dans une société honnête, les corrompus auront la vie dure.
Notre contribution au bien-être de l’humanité dépend aussi de l’environnement, de notre contexte de vie et des circonstances. Nous avons souvent sur notre environnement un effet positif ou négatif qui influencera les autres positivement ou négativement. Une disposition positive favorisera, une disposition négative inhibera la performance. Nous pensons cependant que l’homme a toujours priorité sur les limites que nous posons nous-mêmes.
Il n’est pas du tout facile de modifier son conditionnement. Je me souviens d’un prisonnier qui avait passé de nombreuses années dans une cellule obscure. Une fois remis en liberté, il ne pouvait plus supporter la lumière du jour ni le monde libre et voulait retourner dans sa cellule. Eh oui, depuis notre enfance nous emmagasinons des impressions et des conditionnements, internes et externes, qui nous modèlent. Pouvons-nous en changer? Sûrement, mais c’est difficile.

A proximité de Bangalore se trouve une mine d’or. C’est un travail fatigant que de retirer la terre et les cailloux du sol et de pénétrer au fond pour récolter un peu d’or. La terre dégagée est inutile et est mise au rebut, l’or seul est conservé. Pour obtenir un kilo d’or il faut parfois retirer et se débarasser de tonnes de terre. Il en va de même de notre vie et de celle de tous.
Chaque individu est précieux. En chacun de nous se cache un peu d’or – quelque chose de beau et de précieux – mais qui s’en aperçoit? Il nous faut pénétrer au coeur de l’homme pour découvrir ce qu’il recèle d‘immortel et éternel, de beau et de bon.
Que devons-nous faire? Rechercher l’or en chacun! Si nous ne recherchons que ce qui est mauvais, nous en trouverons suffisamment partout. Mais en chacun il y a beaucoup de bon. Recherchons ce qui est bon et beau. Ce sera parfois un travail pénible que d’ignorer couche après couche ce qui est mauvais pour voir ce qui est bon. Fixons notre regard sur la bonté et la pureté et non sur la souillure.

Un homme avait un souci avec son âne qui refusait toute nourriture. Il lui apportait ce qu’il y avait de meilleur, mais cela ne servait à rien. L’âne continuait de maigrir. L’homme craignit de voir mourir son âne. Dans sa détresse ce propriétaire alla chercher conseil auprès d‘un homme d’expérience. Celui-ci lui dit: „Amenez-moi l’âne, je vais le guérir“. Il le plaça à côté d’un âne très affamé à l’écurie. Lorsque l’âne malade vit l’autre âne dévorer gloutonnement son fourrage, l’appétit lui vint et il se mit à manger. A partir de ce jour, il ne refusa plus jamais sa nourriture.
Il en va de même de notre foi. Nous avons besoin de bons modèles et devons nous-même aussi donner le bon exemple aux autres. Je me souviens d’un Rabbi qui expliquait n’avoir qu’un désir, visiter la Terre Sainte et grimper sur le Mont Sinaï. Là il annoncerait de toutes ses forces les Dix Commandements au monde entier. Mark Twain l‘ayant entendu lui dit: „ Il serait bien plus raisonnable et édifiant de rester chez toi et de mettre les Commandements en pratique“.

Je crois que l’Eglise a plus que jamais besoin aujourd’hui d’une foi vivante, c’est-à-dire pratiquante. A chaque fois que nous sommes prêts à nous accepter, à nous pardonner, à nous aimer ou à offrir notre coeur, nous vivons notre foi. Ainsi nous aidons à la construction du Royaume de Dieu en ce monde.

9 - DIEU AU COEUR




Où se trouve notre coeur? Un jour, comme le rapporte la légende, les démons étaient ennuyés que l’humanité se mette à nouveau à chercher Dieu. Les démons organisèrent une grande rencontre pour prendre des mesures là-contre. L’un dit: „Je vais cacher Dieu au sommet des montagnes, là personne ne pourra guère l’atteindre“. Le chef lui répondit que ce n’était pas une bonne solution car il existait trop d’escaladeurs courageux. Un autre proposa: „Cachez-le au fond de la mer. Personne ne l’y trouvera“. Le chef: “Mauvaise solution! Car il existe des techniques modernes qui pénètrent jusqu’aux plus grandes profondeurs“ Alors survint Satan et dit: “Je vais le cacher dans le coeur des hommes. Là personne n’ira le chercher!“
Où se trouve mon coeur? Nos coeurs sont pleins de questionnements, de peurs, d’espoirs, de déceptions et d’énigmes. Je ne sais pas toujours pourquoi ni comment – mais Dieu, lui, sait tout. Ouvrons-lui notre coeur. Il est en nous, au plus intime de l’être. Tenons bon jusqu’à ce que nous l’ayons découvert dans notre coeur.
Mais n’oublions pas le plus important qui est de découvrir le miracle de Noël! Car c'est seulement parce que Jésus-Christ s’est fait homme pour nous sur la terre qu’il nous est possible de fêter Noël.

L’histoire de Richard Wurmbrand
Chaque peuple a produit des personnalités impressionnantes. Aujourd’hui j’aimerais citer pour une fois autre chose qu’un poème, mais la petite histoire d’un grand Roumain.
Richard Wurmbrand, pasteur luthérien, est né à Bucarest dans une famille juive-allemande. Il appartenait donc à deux minorités à la fois: aux minorités juives et allemandes. A 16 ans, athée et communiste enflammé, il jouissait d‘un bon standing de vie dans sa qualité de commerçant débrouillard. Plus tard il découvrit le Nouveau Testament et passa 14 années de sa vie dans l’étau des communistes. Il a écrit de nombreux livres, entre autres une magnifique histoire.

Ma première rencontre avec Jésus
"Comme j’avais été élevé par des parents juifs non pratiquants, je n’avais entendu parler ni en bien ni en mal de Jésus. Je ne le connaissais simplement pas. Un jour que je me trouvais avec un autre garçon sur le chemin de la maison, il s’arrêta devant une église et dit: „Attends-moi un instant. Mon père m’a chargé de dire quelque chose au prêtre“. Je lui dis que j’irais avec lui. C’est ainsi que je franchis pour la première fois le seuil d’une église.
Je fus profondément impressionné. Je vis tout d’abord l’image d’un homme crucifié. Je n’avais aucune idée de qui il était, mais il devait avoir été mauvais, sinon on ne lui aurait pas fait cela. Enfant, je me faisais souvent frapper et sans doute le méritais-je aussi. Mais cet homme qui saignait de partout, cloué à une croix – pourquoi?
Je vis aussi l’image d’une ravissante jeune femme qui me regardait avec beaucoup d’amour. Je n’étais pas habitué à une telle expression. J’étais bien plutôt méprisé parce que j’étais juif, de plus pauvrement vêtu, maigre, fragile et petit. Je n’étais pas aimé. Mais cette femme m’aimait. A partir de là je me mis à l’aimer aussi. Je me demande encore aujourd’hui pourquoi tant de chrétiens ne pensent jamais à Marie avec tendresse. La Bible dit que “toutes les générations la diront bienheureuse“. Pourquoi ne le faisons-nous pas?
La raison me dit que ce ne sont pas véritablement le Crucifié ni la Vierge que j’avais vus, mais seulement une représentation. A l’époque j’avais eu l’impression de voir de vraies personnes. Ce fut une parmi plusieurs expériences existentielles de ma vie. J’avais alors huit ou neuf ans. L’autre garçon parla au prêtre qui vint ensuite vers moi et me caressa la tête. Son contact me fit du bien car j’étais un enfant qu’on ne caressait pas. Puis il me demanda: „Qu’est-ce que je peux faire pour toi, mon petit?“ J’étais dérouté car je pensais que je n’avais peut-être pas le droit de me trouver dans ce lieu étrange. Je répondis: „rien.“. Et lui: „Ce n’est pas possible. J’appartiens à Jésus qui nous a appris à ne jamais laisser passer quelqu’un sans lui faire du bien. C’est l’été et il fait chaud dehors. Je vais t’apporter un verre d’eau.“
Jésus – quel être remarquable! Toutes les autres personnes que j’avais rencontrées jusque-là ne connaissaient sans doute pas son enseignement. Elles ne me donnaient pas de jouets, pas de chocolat. (Quand les autres enfants mangeaient du chocolat, je léchais le papier qui l‘avait emballé.) Aujourd’hui Jésus changeait en „vin“ l’eau que je recevais. J’étais bouleversé.
Ainsi que je le découvris plus tard, c’était une église orthodoxe et le nom du prêtre était Cavane."

Pourquoi Dieu permet-il cela?
Qu’ils soient chrétiens, musulmans ou juifs, les croyants sont confrontés à l‘une des grandes questions de l’humanité. La question du sens de la vie et du sens de la souffrance.
Des questions comme: „Pourquoi Dieu permet-il cela? Où sont sa bonté et de sa miséricorde?“
„Oui, quelle est l’intention de Dieu en tolérant la souffrance?“ Questions absolument légitimes. Questions que, au cours de la méditation musicale d’aujourd’hui, nous aimerions retracer. Questions qui ne nous préoccupent pas seulement dans le contexte de grandes catastrophes naturelles ou de guerres criminelles, mais aussi chacun de nous en particulier dans sa vie privée et sa destinée.

Les méditations musicales sont des îlots qui nous invitent à nous arrêter et à nous régaler de musique au milieu du stress quotidien. Elles peuvent aussi – comme aujourd’hui – être des oasis, pour que nous puissions nous confronter à des questions d'actualité parfois tristes aussi. Ceci est aussi un aspect de la vie, de la rétrospection. Cet aspect de la vie lui aussi devient plus palpable grâce à la musique qui reflète nos sentiments, de même que le font les mots des grands prophètes, des maîtres à penser et des philosophes.
Nous ne voulons cependant pas sombrer dans la mélancolie mais plutôt nous tourner vers ce qui fait la force et la spiritualité de notre foi: l’espérance, la consolation et la confiance. Il existe suffisamment de raisons de croire en un Dieu qui permet la peine et la souffrance. Dieu est présent au coeur du malheur. Soyons-en sûrs!

Celui qui désire aimer Dieu l’aime déjà
                                                                                  François de Sales

10 - LE SOLEIL AU COEUR




Voici que le soleil luit au coeur,
Voici qu’il brille dans mon coeur,
Voici que le soleil m’indique le ciel,
Le Dieu d’amour luit dans mon coeur

Voici que le soleil luit au coeur
Malgré la hâte et la haine de chaque jour.
Ouvre les yeux de ton coeur,
Porte l’amour au creux de ton coeur.


Voici que le soleil luit au coeur,
Riche d’amour, de bonté et de pardon.
Jésus, soleil de l’amour, enflamme
mon coeur du feu de ton amour.


Conte de Noël

Quatre bougies brillaient sur la couronne de l’Avent. Si immobiles que l’on put les entendre se mettre à parler.
La première soupira et dit: „Je m’appelle Paix. Ma lumière brille mais les hommes ne vivent pas en paix, ils ne veulent pas de moi.“ Sa flamme diminua et finit par s’éteindre complètement.
La deuxième bougie vacilla et dit: „Je m’appelle Foi, mais je suis de trop. Les hommes ne veulent rien savoir de Dieu. Cela n’a plus de sens que je brûle“. Un courant d’air traversa la pièce et la bougie s’éteignit.
Dans un murmure et très tristement la troisième bougie prit alors la parole: „Je m’appelle Amour. Je n’ai plus la force de brûler. Les hommes me mettent de côté: Ils ne voient qu’eux-mêmes au lieu des autres qu’ils devraient aimer“. Et dans un dernier vacillement cette flamme s’éteignit aussi.
C’est alors qu’un enfant entra dans la pièce. Il regarda les bougies et dit: „ Mais... mais il faut que vous brûliez, pas vous éteindre!“ Et il se mit presque à pleurer. Alors la quatrième bougie prit à son tour la parole et dit: „N’aie surtout pas peur! Tant que je brûle, nous pouvons encore rallumer les autres bougies. Je m’appelle Espérance“.
Avec une allumette l’enfant prit de la lumière de cette bougie et ralluma les autres bougies.
                                                                                                                                (Origine inconnue)

La lumière brille pour tout le monde: les bons et les méchants. La lumière chasse l’obscurité. garde de la lumière dans ton coeur, du soleil, chasse l’obscurité du fond de toi. La lumière est une perception intuitive; se relier à elle est une démarche instinctive. Avec Jésus la Lumière du monde est venue sur la terre. Il n’a pas dit: „soyez la lumière“, mais “vous êtes la lumière“. Nous pouvons placer la lumière sous un lit ou sur un chandelier pour que „les gens voient nos bonnes oeuvres et louent notre Père dans le ciel“ (Mt. 5,6)

Il n’est pas dit que tu ne pleureras pas.
Il n’est pas dit que tu ne souffriras pas.
Il n’est pas dit que tu ne seras pas déçu.
Mais il est dit que Dieu te consolera.
Il n’est pas dit que tu ne seras pas solitaire,
Il n’est pas dit que tu ne douteras pas.
Il n’est pas dit que tu ne devras pas souffrir.
Mais il est dit que Dieu te consolera.
Il est dit que tu dois le prier.
Il est dit que Dieu te consolera.
Il est dit qu’il te faut en parler.
Il est dit que Dieu te consolera.
Il est dit que tu as sa Parole.
Il est dit que Dieu te consolera.
                                                    ( Rainer Zelewske)

11 -JOIE AU COEUR




L’Esprit n’est pas statique, il est dynamique, il donne la vie, il est vivant en moi et à travers moi. On ne peut le créer, on l’expérimente plutôt comme cadeau de Dieu.
Et il se trouve toujours des hommes magnifiques dont les oeuvres ont été inspirées du Saint-Esprit. Par exemple l’homme que vous connaissez sûrement et qui fut élu Homme du Siècle en 1950 par un comité représentant 17 pays. Deux ans plus tard il reçut le prix Nobel de la Paix. Il était grand philosophe, théologien connu, historien, musicien et médecin. Vous avez sûrement deviné son nom; oui il s'agit bien d'Albert Schweitzer. Il a dit que c’était par la Grâce de Dieu qu’il était devenu ce qu’il était et avait fait ce qu’il avait pu réaliser. Il s’était demandé comment il pourrait vivre dans le superflu alors que des millions d’hommes mouraient de faim, souffraient et vivaient dans le malheur sur la terre. Aussi décida-t-il de travailler comme missionnaire en Afrique. Bien entendu ses amis et sa famille ne le prirent pas au sérieux et se moquèrent de lui. Pourtant Albert Schweitzer quitta l’Europe dans sa 43 ème année et commença à travailler dans la jungle pour les pauvres et les malades. Qu’est-ce qui l’avait incité à laisser derrière lui carrière, succès et richesse pour se consacrer à une vie simple au service de Dieu? N’était-ce pas l’Esprit de Jésus-Christ qui s’était à travers lui tourné vers les pauvres et les exploités?
De notre temps aussi il existe beaucoup de gens pour qui le prochain compte plus que tout autre chose. L’amour vrai chasse la peur. Là où règne l’amour la peur n'a pas sa place, ni les exigences, pas d’attentes, pas de dépendance. L’amour vrai n’apporte que liberté, détachement, et paix. Je vous souhaite la paix intérieure, la joie, et le détachement. Puissent ces cadeaux du ciel vous accompagner toujours – et pas uniquement au „joli mois de mai“.

Il est bien plus beau de connaître la joie du coeur ici et maintenant et de vivre en paix sur la terre que d’expédier des hommes sur la lune.
C’est bien la notion de résurrection qui est attachée à la religion chrétienne. Non pas la confrontation à la mort et à son passage. Ceci sous-entend en retour la question du sens de la vie – et cette question est aussi vieille que l’humanité. Chaque individu recherche le pourquoi – il a peur de la souffrance et redoute la mort. Pourtant la mort et la vie, la joie et la douleur, la lumière et l’obscurité sont indissociablement liées comme le jour et la nuit. Elles sont à la fois en polarité et en harmonie et forment un tout.
La lumière et l’obscurité sont plus faciles à porter avec Dieu, Allah ou Jahwe – plus faciles à porter avec un frère, une soeur, plus faciles aussi à porter dans un cercle aux intérêts communs, tel „les amis de la méditation musicale". Elles sont aussi plus faciles à porter en musique – lâchez prise, entreprenez le voyage vers l’intérieur: nous nous trouvons encore dans la semaine de la Toussaint et des défunts. Je crois qu’on ne peut mieux conclure une méditation musicale qu’avec le vieux cantique „ Prends-moi donc par la main“.

Prends-moi donc par la main et conduis-moi
Jusqu’à ma fin, en grâce et pour l’éternité.
Je ne puis y aller seul, pas même faire un seul pas.
Là où tu iras et demeureras, emmène-moi.

Paroles sans apprêt et mélodie simple. Je voudrais vous placer tous sous la protection et l’abri de la main de Dieu. Main qui bénit votre vie, votre journée et votre nuit.
La joie anticipée me semble être l’un des plus beaux sentiments qui nous accompagnent au long de l’Avent. La joie peut être multiple: celle de la fête de Noël toute proche, celle que nous procurerons à d’autres, joie de la naissance du Sauveur, la joie devant les bougies de l’Avent, les vitrines décorées, l’attente des cadeaux à offrir et à recevoir…
Il me revient toujours spontanément l’histoire impressionnante qui eut lieu il y a une centaine d’années:
Un jeune couple amoureux et pauvre se réjouissait de fêter son premier Noël ensemble. Chacun voulait faire à l’autre un cadeau particulièrement choisi, mais ils n’avaient bien sûr presqu’aucun argent. En flânant à travers la ville, l’homme aperçut une ravissante chaîne de montre qui conviendrait exactement à la montre héritée de son père. De son côté la femme avait été séduite par deux peignes scintillants. Ayant remarqué la fascination de l’autre pour le bijou inabordable, chacun cherchait désespérément une solution. Le 24 décembre la jeune femme se fit couper ses longs cheveux soyeux et les vendit au perruquier. Avec le produit de la vente elle acheta la chaîne de montre pour son mari. Lui à son tour remit la montre en or de son père au prêteur à gages pour acheter les deux peignes à sa femme. Sous le sapin tous deux ouvrirent de grands yeux. La chaîne était là sans la montre. Et les deux beaux peignes ne pouvaient plus se fixer sur les cheveux courts.

La morale de cette histoire est que tous deux s’étaient en fait offert un des plus gros cadeaux réalisés par eux-mêmes: ils s’étaient prouvé leur amour désintéressé. Chacun ayant sacrifié quelque chose de précieux à ses yeux pour combler un profond désir de l’autre!

DE L'ART D'OFFRIR



Offre gros ou petit,

mais toujours de bon coeur.

Quand le bénéficiaire évalue ton cadeau,

que ta conscience soit pure.

Donne volontiers et librement.

Que ce don exprime

Ta pensée, ton goût et ton humour,

sois largement récompensé

par ta joie anticipée.

Geste spontané et sans calcul.

Rappelle-toi: ton cadeau –

C’est toi-même.

                                                    Joachim Ringelnatz

12 - PURETÉ DE COEUR



Heureux les coeurs purs, car ils verront Dieu“, dit Jésus (MT 5,8). La méditation nous y aide. La méditation chrétienne est au fond une méditation du coeur. C’est avec le coeur que nous voyons la réalité telle qu’elle est et non telle que nous la voulons. Nous pouvons chercher Dieu avec notre raison, mais nous ne le trouverons qu’avec notre coeur. Alors seulement nous verrons tout avec les yeux de Dieu. Thérèse d’Avila disait: „Promets-moi un quart d’heure par jour de méditation et je te promets le Ciel“. Le mystique du quotidien est quelqu’un qui vit chaque jour en contact constant avec Dieu. Ce que le contemplatif „voit“, le mystique du quotidien le vit. Il n’est ni introverti ni encapsulé, mais il maîtrise l’art de la vie par sa façon de concilier harmonieusement le silence, la prière, la méditation et son travail. Les exercices spirituels ne sont pas le but, pas même l’aboutissement, mais la condition d’une vie normale. Je dirais même que ce n’est pas forcément à la vie de prière mais à la vie quotidienne que l’on reconnaît la qualité de la prière.

„Heureux les coeurs purs“. Qu’est-ce que cela veut dire? Le coeur est le siège de l’amour. Penser avec le coeur signifie penser comme Dieu, car au début était l’amour, et l’amour était Dieu. Le mystique voit de l’amour en toute chose. C’est un homme de coeur. Les plus belles, les meilleures choses du monde ne s’achètent pas avec de l’argent. On ne peut ni les voir ni les toucher, mais on en prend conscience avec le coeur. Et ce que disait François de Sales reste vrai: „ Celui qui a conquis le coeur a conquis la personne entière“.
Heureux les coeurs purs, car ils verront Dieu „(Mt 5,8)
„Que dois-je faire pour voir Dieu?“, demandait un jeune homme. Le maître répondit: „Si tu veux voir des étoiles, sors dans la nuit! Si tu veux entendre chanter les oiseaux, sors te placer sous un arbre dans la forêt. Si tu veux voir Dieu, sors dans les rues ert regarde les gens“. On peut bien sûr s’étonner de l’optimisme de ce maître. Rencontrons-nous vraiment Dieu dans les autres sur notre chemin de vie? Mais le maître a raison: si nous voulons voir Dieu, nous devons nous débarasser de notre ego, nous détacher de notre subjectivité et sortir de nos limites. Il nous faut accepter nos prochains tels qu’ils sont, les aider, leur pardonner et les aimer, alors nous aurons dès ici-bas une idée de la réalité divine. Jésus disait: „Celui qui me voit a vu le Père“ (Jean 14,9). Oui, heureux les coeurs purs, car ils verront Dieu!
Dans ce contexte voici une parole de Malachie 3,3: „Alors il s’assiera, fondra et purifiera… comme on éprouve l’or et l’argent“
Une femme méditait sur ces pensées et conclut: „Dieu purifie les hommes“. Elle alla demander à un bijoutier s’il restait assis tout le jour à purifier l’argent. „Oui, répondit-il, Et non seulement je reste assis là, mais encore je surveille des yeux les pièces d‘argent pendant la purification. Si les pièces ne restaient qu’un instant de trop au feu, elles seraient déjà perdues.
La femme réfléchit à cela et demanda: „Comment savez-vous que l’argent est parfaitement épuré?“ „C’est simple, répondit-il en souriant, c’est quand je peux me voir dedans“.

Réfléchis: Le regard de Dieu est toujours posé sur toi. Il t’observe jusqu’à ce qu’il voie son image en toi. Dans le langage de Saint François de Sales cela signifie: „Sois ce que tu es, et sois-le de ton mieux.“ Ou encore oeuvre là où sont tes racines. Un mystique de notre temps est quelqu’un qui prend cette réalité au sérieux et s’engage au mieux pour l’humanité.
Tout homme est dans le fond un mystique. Les mystiques ne font rien de particulier, mais tout ce qu’ils font, ils le font de manière particulière. Leurs moindres oeuvres deviennent exceptionnelles parce qu’elles sont accomplies avec amour. Plus grand est l’amour, plus méritoire est le geste.



Soyons ce que nous sommes!
Que les hommes soient ce qu’ils sont.
L’important n’est pas le qui ni le comment,
mais ce que nous sommes.

13 - LA PLÉNITUDE DU COEUR





Plénitude ici et là,
La plénitude de Dieu est partout.
La plénitude engendre la plénitude,
La plénitude renvoie à la plénitude,
La plénitude reste toujours plénitude,
En toi est la plénitude, tu es la plénitude.

„Peux-tu me montrer Dieu?“, demanda un élève à son Gourou. „Suis-moi“ fut sa réponse. Il le mena à un lac et lui ordonna d’entrer dans l’eau. Alors qu’ils étaient tous deux dans l’eau, le Gourou maintint la tête de son élève sous l’eau quelques minutes. Puis il lui posa la question: „ Comment te sentais-tu?“ L’élève répondit: „Horrible, j’ai cru que mes derniers instants étaient venus.“ „Et qu’as-tu désiré?“ „Je ne souhaitais que de respirer“. Alors la réponse du Gourou: „ Si ton désir de voir Dieu est aussi intense et franc que celui de respirer, alors tu verras Dieu.“
Nous voulons tous croire en Dieu, nous voulons le voir et le connaître. Mais ce désir est-il vraiment profond et franc?
Aimons-nous Dieu? A la fin il ne reste que l’amour. Et c’est plus qu’un simple mot. Nous y aspirons tous. Nous voudrions être aimés sans condition. Dans les contes, même les hommes endurcis sont rendus à la vie par l’amour. Les bêtes redeviennent des hommes. Par là je ne parle pas du sentiment amoureux, mais de l’amour comme qualité de vie.
L’amour ne connaît ni temps ni espace. L’amour est éternel. Paul le formule dans la lettre aux Romains avec la question: „Qui nous séparera de l’amour duChrist? La tribulation, ou l’angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou la nudité, ou le péril, ou l’épée?“ La question est seulement de savoir qui y croit. Qui croit à la vie en plénitude? Et qui croit à la résurrection? Les croyants. Pour les croyants la mort ne représente ni une tragédie ni une fin, mais une porte vers la vie éternelle – la vie en plénitude. Avouons-le franchement: beaucoup de gens sont des morts vivants parce qu’ils ne connaissent pas l’art de vivre en plénitude . Lorsqu’on a peur de la mort, on a aussi peur de la vie et inversement. Pourtant celui qui vit vraiment participe dès ici-bas à la vie éternelle.
Ce qui signifie pour la chenille la fin de son monde, se révèle papillon à l’oeil averti. La mort est résurrection. Il n’existe en fait qu’une seule forme d’existence: la VIE. La vie en plénitude, telle que nous l’a promise Jésus.

Un rien d’exemple vaut mieux
que cent mots
                                                            François de Sales


Vivre et laisser vivre,

aimer et laisser aimer,

ne pas attendre demain,

mais faire aujourd’hui de son mieux

14 - ÊTRE HEUREUX – CHALEUREUX


Connaissez-vous le film Superman? Avec ce film Christopher Reeve est devenu mondialement connu. En 1995 Reeve subit une chute de cheval fatale qui le plaça à vie en fauteuil roulant, lui, rivé à un fauteuil roulant, l’acteur qui avait incorporé le superman aux capacités physiques surnaturelles!
Beaucoup, et pas uniquement dans le monde du cinéma, se sont peut-être demandé quel sens une telle vie peut encore avoir après?
Christopher Reeve y a répondu lui-même en menant une vie engagée pour la recherche génétique grâce à ses collectes. Il est mort à 52 ans en 2004.
Je ne sais pas si Christopher Reeve appartenait à une Eglise chrétienne, ni s’il puisait sa force de sa foi en la résurrection. Mais je crois qu’il était un homme qui aimait la vie.

Tout homme voudrait être heureux. Mais combien le sont en réalité? Où que l’on se tourne, on est confronté aux soucis, à la solitude, à la peur, à l’erreur, à la discorde au coeur des hommes.
En supposant que quelqu’un vous propose une solution pour mettre fin à cet état sans dépense d‘énergie mais en passant par la maladie et le vide intérieur, aimeriez-vous cela?
En supposant que quelqu’un puisse vous proposer une voie pour accéder à l’amour vrai et réciproque, à la paix et à l’amitié, pourriez-vous vous représenter quelque chose de plus utile? Au lieu de cela il se trouve des gens qui placent leurs affaires, la politique et la science au-dessus de ces valeurs.
Soyons honnêtes: que gagne la terre à l’aterrissage d’un homme sur la lune alors que nous ne savons pas vivre en paix sur la terre?
En tant que chrétiens nous fêtons à la Toussaint et en novembre le fait que nous sommes nés avec le Christ à un monde nouveau. Nous fêtons la mort comme une naissance à une nouvelle vie. Tout se transforme, rien ne se perd. Et pourtant la mort est un tabou dans notre société. On n’en parle pas. Et la plupart des gens en ont peur. La mort nous apparaît comme la fin de tout. La peur est toujours mauvaise conseillère. Ou bien la peur de la mort aurait-elle jamais aidé quiconque?

Un pêcheur voulait sortir pêcher dans le lac malgré la tempête lorsqu’un autre lui demanda: N’as-tu pas peur de sortir maintenant? Pourquoi devrais-je, la mer c’est ma vie.
Mais ton père, ton grand-père et ton oncle ont péri en mer. Comment peux-tu ne pas avoir peur de sortir par ce temps? Le pêcheur répondit par une autre question: Où donc ton père est-il mort?
Dans son lit, dans sa chambre.
Et ton grand-père?
Dans son lit.
Vois-tu. Et tu ne crains pas d’aller au lit tous les soirs?

La religion devrait libérer les hommes de la peur. Jésus est venu pour rendre possible aux hommes la dignité d’enfants de Dieu. Notre monde souffre du manque d’amour et de conscience. L’amour naît de la prise de conscience. Allumez la lampe de la conscience et l’obscurité disparaîtra. En réalité, dans le quotidien cela ne fonctionne pas toujours si simplement.
Un jour quelqu’un demanda:  Pourquoi tout le monde est-il heureux sauf moi?
Parce que nous avons appris à voir le bon et le beau partout, dit le maître.
Et pourquoi ne vois-je pas le bon et le beau partout?
Parce que tu ne peux pas voir au dehors ce que tu ne vois pas en toi.

Nous sommes souvent limités par nos soucis. Soucis que nous nous créons souvent nous-mêmes. Un industriel désespéré d’avoir perdu toute sa fortune entra au cloître pour trouver la paix intérieure. Mais il était trop désespéré pour rester calmement assis. Quand il fut reparti le Maître commenta ainsi cette expérience: „ Ceux qui dorment par terre ne tombent jamais de leur lit.“
Il en va de même du plaisir de la musique. La musique domine l’espace et le temps, elle a valeur d’éternité. Celui qui se laisse prendre et émouvoir par la musique connaît un avant-goût de la vie éternelle. Je souhaite pour ma part que nous saisissions un petit morceau d’éternité – aujourd’hui et tous les jours de notre vie.



Vivre sans rancoeur et sans souci:
bénédiction du Dieu Tout-puissant.
Que tout ton être devienne
tendre bénédiction.

15 - POURQUOI PRIER?



Pourquoi prier? Une recherche empirique a constaté il y a quelque temps que ceux qui prient vivaient plus sainement. Ils sont calmes et paisibles, de bonne humeur et joyeux. En quoi consiste alors la nature de la prière?
Dans toutes les religions et cultures les hommes croient en une réalité dernière. Les uns l’appellent Dieu, d’autres Brahman ou Tao, ou Nirwana. La prière est l‘effort conscient de se relier à cette réalité. La prière ne connaît pas de religion, pas d’époque ni d’espace, elle est une expérience transcendantale. La prière met en unité avec la réalité dernière.
Prier présuppose une certaine polarité entre Dieu et l’homme, entre l’absolu et le relatif, entre la finitude et l’éternité, le mortel et l’immortel, la perfection et l‘imperfection. La prière jette un pont de l’immanence à la transcendance, de l’humain au divin. Lorsque l’humain et le divin se trouvent, il en résulte une expérience qui se vit mais ne s’explique pas. L’homme est appelé à grandir et mûrir dans ce processus.
La prière est la respiration de l’âme. Un jour, un jeune athée demanda à un viel homme:  Que fais-tu là? Je prie. Alors il se moqua de lui et lui demanda ce qu’il en retirait. Là-dessus le vieillard l’attrapa au cou et l'égorgea. Celui-ci se mit à crier: Mon Dieu, au secours. Le vieux répartit:  Vois-tu, bien des gens ont besoin de ce genre de pression sinon ils n’en viendraient jamais à prier. A cela j’aimerais ajouter que la prière est aussi indispensable que l’air à la respiration. Il est décisif que nous nous rapprochions de Dieu et le gardions au coeur. Pour parler simplement, la prière n’est rien d’autre que l’expérience de la présence de Dieu – toujours et partout.

Si la prière est une démarche du coeur vers Dieu, alors il s’ensuit qu’elle est aussi une démarche vers l’homme. Nous ne pouvons par exemple pas aimer Dieu sans aimer les hommes et inversement. Nous n’avons pas deux coeurs, l’un pour Dieu et l’autre pour nos semblables.
La prière est une relation Dieu-homme qui se situe à un niveau hautement existentiel. On peut alors se poser la question: où en suis-je avec Dieu? On ne peut en juger que par notre comportement vis-à-vis de nos semblables. La qualité de nos relations aux autres décide de la qualité de notre relation à Dieu.
„Où en suis-je avec Dieu?“ trouve sa réponse dans „où en suis-je avec mes semblables?“
La prière et les relations humaines vont main dans la main. Car le noyau de la spiritualité chrétienne consiste en l‘amour de Dieu et l‘amour du prochain.
L’homme qui prie est aussi un homme qui aime. Comme l’exprime si exactement Franz Jalics, les relations humaines sont le thermomètre de notre relation à Dieu. La sensibilité aux relations humaines et la prière se développent parallèlement.
Il nous est bénéfique dans la prière de ne pas nous situer par rapport à un idéal lointain et inaccessible, mais de partir de la réalité. Nous avons tendance à idéaliser notre relation à Dieu en fonction de nos désirs.Cependant si nous partons de la réalité nue de notre vie pour évaluer notre relation à Dieu, notre point de vue devient réaliste, sans que se perdent en nous l’amour et l’espérance chrétienne du salut. Oui – la prière est finalement une expérience d’unité – unité dans l’amour de Dieu et de la création entière.

On ne prie jamais seul. On prie avec Jésus et Jésus prie avec nous. La première communauté chrétienne priait ensemble. Elle était convaincue de cette parole de Jésus: „Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux“. Ainsi pour les chrétiens la prière est centrée sur le Christ. Jusqu’aujourd’hui nous célébrons l’Eucharistie en communauté. Saint Paul dit là-dessus: „Parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans nos coeurs l’Esprit de son Fils, lequel crie: Abba! Père! (Gal 4,6).

16 - PRIÈRE – DIALOGUE DU COEUR


Un jeune homme alla un jour trouver son gourou et lui demanda de lui apprendre à prier.
" Pourquoi?“, demanda le maître.
„Je veux connaître l’art de la prière“, mais le gourou refusa.
Après quelques jours le garçon revint et répéta sa demande.
„Pourquoi?“ redemanda le gourou.
„Je veux devenir maître de prière comme toi“. Le maître lui dit: „Non, je ne peux pas faire cela.“
Alors que la demande se répétait un peu plus tard:
„Je veux devenir un homme de prière“. Le maître accepta: „Bien, je vais t’y aider“.
La prière n’est pas une reconnaissance du bout des lèvres. Ce n’est pas une exhibition, la prière est une expérience toute personnelle et profonde du silence. Un apprentissage par l’expérience. (Learning by doing). L’essentiel étant la récollection intérieure.

Prier c’est tout laisser aller. Etre tel qu’on est. Au coeur même de la distraction trouver le silence, trouver le coeur. La prière du coeur consiste en l’art du silence intérieur. La prière doit s’élever à devenir une occasion de toute la journée, de toute l’année, de toute la vie. Elle revient finalement à aimer nos frères et nos soeurs de tout notre coeur.
La prière est un mouvement venu de l’intérieur.
La prière n’est pas un geste des mains, mais bien plutôt une disposition du coeur. La prière est communication de coeur à coeur. Mais en même temps une relation de coeur à coeur. Les familles et les communautés ne deviennent vivantes qu’au moment où une relation de coeur à coeur s’instaure. Les échanges et réactions humaines dépendent de l’éthique suivante: le respect de l’autorité, la politesse envers les amis, l’amabilité dans les contacts avec les sous-ordres. Mais avant tout domine l’amour en tout. L’amour ne connaît ni différence, ni rang, ni discrimination.
Pensons au bon et au beau, pensons à la bonté et à l’amabilité. Tout cela vient du coeur. Car on ne voit bien qu’avec le coeur! Si tu penses avec le coeur, alors tu comprendras les hommes. Tout dépend de ton coeur. Citons Kalil Gibran: Une femme disait à un homme: „Je t’aime“. Et l’homme répondit: „Je suis touché au coeur d‘être digne de ton amour“. Alors la femme: „Tu ne m’aimes donc pas?“ Sur quoi il la regarda simplement sans répondre. Alors la femme se mit à crier: „Je te déteste!“. Et l’homme: „Cela me touche au coeur d’être digne de ta haine“.
En effet le coeur éclaire la raison. Ce qu’il y a de plus beau est caché aux yeux. Lorsque le coeur est totalement libéré de la méfiance et de l’égoïsme, la paix peut se frayer un chemin. Un peu de lumière perce l’obscurité. Nous pouvons soudain dire: tu apportes de la lumière dans l’obscurité de ma vie.
La prière n’est pas un mouvement du corps ou des sens, mais du coeur. Le coeur du priant se transforme. Lorsque le coeur prie, la prière devient une affaire de coeur. Mème la plus petite prière est grande devant Dieu si elle est faite avec coeur. Non seulement notre travail de chaque jour, mais toute notre vie peut être sanctifiée par la prière du coeur, par l’élan du coeur vers Dieu. Le texte de la prière est assimilé et le coeur commence alors à prier; ainsi la prière devient un mouvement du coeur.

La prière est un acte profondément intérieur, elle est une expérience des profondeurs. Elle fait du priant un être intériorisé. La prière devient vie, la vie devient prière. Et ce que nous demandons grandira et s’épanouira en nous.