4 - LE FOND DU COEUR – LE JUSTE MILIEU



Je lisais dans un journal: „Je suis si libre…avec Nescafé!“ et je me suis demandé si Nescafé me rendait vraiment libre. Bien sûr que non. Mais la pub nous manipule. Pas la liberté. La vraie liberté nous libère. En quoi consiste cette vraie liberté?
Nous expérimentons encore et toujours le manque de liberté, en politique, en société, dans la rue, et même à la maison. Beaucoup aimeraient se lier d’amitié à la maison. Si cela ne marche pas, ils se sentent entravés, mis à l’étroit dans leur vie conjugale ou familiale. Un disciple enthousiaste de Bouddha lui demanda un jour comment atteindre au mieux le Nirwana, la Révélation . Bouddha lui répondit qu’il devait s’entraîner à l’ascèse et à la méditation. Dans son enthousiasme le disciple s’entraînait jour et nuit. Après quelque temps il alla trouver Bouddha pour lui dire qu’il ne recevait aucune révélation. Celui-ci lui répondit: „Je sais que tu joues du violon. Dis-moi, quand le violon est trop tendu, rend-il une mélodie juste?“ „Non“, répondit le disciple. „Et s’il est trop relâché, la mélodie sera-t-elle juste?“ „Non plus“ , répondit le disciple. „Et s’il est correctement tendu?“ „Alors oui“, sourit le disciple. Il en est ainsi de la révélation. Une pratique trop relâchée ou trop sévère ne mènent pas au but. Le meilleur chemin est le juste milieu.
On peut être libre en toute situation. En famille, dans les liens du mariage et de l’amitié, car la vraie liberté est intérieure. La vraie liberté vient du coeur. Un jour un moine bouddhiste était assis avec ses élèves au bord d’un lac. Il leur demanda s’ils voulaient savoir ce qu’était la révélation. „Regardez ces oiseaux qui volent au-dessus de l’eau.“ Tandis qu’ils regardaient tous, le moine leur dit: „Ils projettent sur le lac un reflet qu'ils ne peuvent soupçonner et qui ne touche pas l’eau.“ Nous voyons là un reflet de la liberté.

Il y a de nombreuses chaînes qui nous volent notre liberté. Ces chaînes ne sont pas extérieures mais intérieures. Prenons nos expériences, les bonnes comme les mauvaises. Combien de gens sont aigris, malheureux, parce qu’ils ne peuvent plus se détacher de leurs mauvaises expériences. Ils souffrent, craignent et sont anxieux. La même chose se passe avec les expériences positives. Nous nous fixons sur les belles et bonnes choses, nous ne voulons pas perdre une relation, défaire une amitié, mais au contraire forcer le bonheur. Mais le bonheur est comme un papillon. Plus nous nous efforçons de vouloir l’attraper, plutôt il nous échappera. Alors que c’est en restant calme qu’on aura même une chance de le retenir sur la main ou l’épaule. Mais nous avons toujours peur du lendemain. Qu’arrivera-t-il? Vais-je perdre mon emploi? Vais-je tomber malade ou même mourir? Nous sommes tourmentés par la peur et les soucis qui nous volent notre liberté et nous emprisonnent. Tout cela parce que nous vivons dans un monde imaginaire. C’est à ce point que l’affirmation de Jésus nous console:“ Regardez les oiseaux du ciel; ils ne sèment pas, ne récoltent pas et n’emmagasinent pas dans des granges, et votre Père céleste les nourrit. N’avez-vous pas plus de valeur qu’eux?“ (Mat.6,26)
Bouddha disait qu’à l’origine de toutes les servitudes il y avait la convoitise. En effet trop souvent nous posons des conditions au bonheur. Je t’aime, mais tu dois aussi m’aimer. J’ai besoin de toi, toi aussi tu as besoin de moi. Les conditions, la convoitise et la peur sont les ennemis de la liberté! Nous nourrissons des souhaits et des représentations que nous multiplions indéfiniment. Les medias et l’industrie publicitaire y sont pour beaucoup dans l’esclavage et la main-mise sur la société. Un regard sur la pub le révèle: les peines et les soucis n’apparaissent pas dans ce monde irréaliste et factice. Au contraire, tout le monde y est gai et heureux! On y croit et on se fie au produit ou à la firme. Mais y trouve-t-on le bonheur? Comme nous l’avons entendu, le bonheur est comparable à un papillon! Un jour un collègue l'a ainsi formulé: beaucoup de gens sont très gentils de loin. Mais en réalité ils sont très loin de l’être.

Jésus n’a pas seulement prêché l’amour, mais il l’a aussi vécu. Seul l’amour l’a libéré. Sur la croix il priait pour ses ennemis. Ce fut là son dernier acte de libération – le pardon. N’a-t-il pas dit: „Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis?“ Notre amour est ainsi conditionné qu’il se manifeste plutôt comme exigence que comme don. Savons-nous aimer inconditionnellement? Savons-nous pardonner sans condition? Le pardon devrait commencer par nous-mêmes, nous pardonner à nous-mêmes! C’est le premier pas vers la vraie liberté.

Un jeune homme voulait entrer au couvent. Il était le plus aimé de tout le village. Il fit ses adieux à tous, on lui fit une grande fête d’adieu avec repas et musique. On l’accompagna jusqu’à la rive du fleuve en face du monastère. Ensuite le jeune homme entra seul dans le monastère et attendit l’abbé. Celui-ci lui dit qu’il regrettait mais qu’il ne pouvait accueillir qu’une seule personne, or lui n’était pas seul. Le jeune homme regarda autour de lui et dit: „Je ne vois personne“. L’abbé lui rétorqua alors: „Si, j’entends en toi la musique, je vois des gens. Ta tête est pleine de monde, de bruit et de pensées. Tu n’es pas libre.“ Le jeune homme comprit et resta quelques mois à l’extérieur du couvent, nettoyant les chaussures et faisant le jardinage. Alors l’abbé vint à lui et dit: „Maintenant tu peux venir car tu es seul.“

Etre seul signifie aussi trouver le juste milieu. On ne peut aimer Dieu que de tout son coeur. On ne possède qu’un seul coeur. Avec ce coeur il faut aimer Dieu et son prochain. Je ne peux pas aimer Dieu avec la moitié de mon coeur et mes semblables avec l’autre moitié. Une entité harmonieuse caractérise le juste et sain milieu.

Un saint triste est un triste saint
                                                                                              François de Sales